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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 21:58

the-artist-copie-1.jpg Pourquoi je n'aime radicalement pas ce film. Pourquoi je pense qu'il est bien plus le fruit de la guerre des cultures que d'une spontanéité artistique. Pourquoi je crois qu'il porte en lui tous les stigmates de l'Hollywood d'aujourd'hui dans sa faculté à simplifier la condition humaine. 


Tout d'abord, le scénario est construit comme un dessin animé produit par Walt Disney, à savoir qu'il applique la recette la plus pragmatique pour attirer un maximum de spectateurs du monde entier : 1) mettre des petits animaux mignons qui font des bétises pour amuser enfants (ici le rôle du petit chien sympa), 2) ajouter une histoire d'amour basique avec séparation et retrouvailles pour les adolescents (ici le coeur du film), 3) enfin incorporer une petite dose de méchant pouvoir politique pour les adultes plus matures (ici les vilains producteurs d'Hollywood). Ainsi, les gens peuvent venir en famille, et prendre plusieurs places à 10€, sachant que de 7 à 77 ans chacun devrait y trouver son compte.

 

Vous noterez que ce savant mélange s'applique parfaitement au dessin animé "Le roi lion". Mais je tiens à préciser qu'il faut distinguer la production Disney après et avant la disparition de Monsieur Walt Disney. Ce dernier, brillant cinéaste  (ici je sépare bien sûr l'oeuvre de l'homme, en toute conscience de ses troubles amitiés politiques dans les années trente...), ne faisait pas des films d'animation simplistes. Au contraire, il y a dans  "Blanche Neige " par exemple une réelle intensité dramatique, avec cette horrible belle mère qui envoi un bucheron tuer Blanche Neige dans la forêt et souhaite récupérer son coeur pour preuve de la mort de la douce adolescente. Il y avait chez Walt Disney cette - a priori - étrange volonté d'effrayer les enfants, sauf que c'est justement la fonction du conte d'initier l'enfant au monde complexe qu'il devra affronter adulte.

 

Or "the artist" a l'intensité dramatique d'un poulpe. Aucune violence, aucune méchanceté, juste une exclusion systémique : c'est parce que la technologie évolue, le cinéma passant du muet au parlant, que le pauvre Jean Dujardin est exclu du système. Sur la petite dixaine de sous-titres du film, au moins le tiers parlent d'orgueil. Car l'échec du protagoniste serait la conséquence de son orgueil démesuré puisqu'il n'a pas voulu s'adapter à la modernité, mais a préféré continuer à faire des films muets. Quel looser ! 

 

Je ne peux pas m'empêcher de comprendre que l'injonction de ce film est "adaptes toi au système et ferme ta gueule, sinon tu sera exclu de la société". Et ma paranoïa interpèle aussi une pensée de Guy Debors qui voyait dans "le renouvellement technologique incessant" un moyen d'aliéner les masses. Dans "Commentaires sur la société du spectacle" Debors dit "Le mouvement d’innovation technologique dure depuis longtemps, et il est constitutif de la société capitaliste, dite parfois industrielle ou postindustrielle. Mais depuis qu’il a pris sa plus récente accélération (au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale), il renforce d’autant mieux l’autorité spectaculaire, puisque par lui chacun se découvre entièrement livré à l’ensemble des spécialistes, à leurs calculs et à leurs jugements toujours satisfaits sur ces calculs"


Bref! Le pauvre Jean Dujardin s'étant marginalisé, le film montre non seulement sa décadence matérielle et morale, mais de surcroit, sa dévirilisation totale. Car sa bien aimée, cette femme qui trouve la gloire grâce aux films parlants, l'empêche de se suicider, lui rachète ses meubles précieux, et lui trouve du travail. J'en déduis la deuxième injonction du film  :  "adaptes toi au système et ferme ta gueule, sinon tu sera dépendant d'une femme pour vivre, l'ultime loose !".

 

Par ailleurs, je ne crois pas du tout à la spontanéïté des élans critiques autour de ce film et à sa valeur intrinsèque pour mériter autant de récompenses aux Etats-Unis. Je pense - même si je lutte fermement contre la théorie du complot - qu'il est quand même très ironique que des américains valorisent tant un film français, sachant que ce dernier est muet et qu'il rend hommage à l'apport historique des américains pour le cinéma. Sachant qu'Hollywood était bien plus inspiré dans les années 30 qu'aujourd'hui.

 

J'imagine surtout qu'il y a eu un gros boulot de lobbying avec des enjeux financiers et culturels. Comme si l'Hollywood Institutionnel récompensait surtout l'allégeance. Les richissimes décideurs du cinéma "main stream" américain, envoi au monde ce message : "si vos films nationaux flattent notre culture alors nous les mettrons en lumière et les propulseront sur les écrans du monde entier". 

 

Enfin, cette propagande réussie autour de ce faux bon film "The artist" nous rappelle que le cinéma participe aussi puissament à la guerre des cultures, elle-même constitutive de la guerre économique. Sans déconsidérer tous les cinémas bien sûr, car d'autres mettent à l'honneur leur culture quand il l'amène avec de véritables nuances et contradictions. Comme a pu le faire Jeff Nicols, ce jeune cinéaste originaire de l'Arkansas, dans le superbe film "Take Selter" ; et qui me laisse espérer un nouveau souffle à venir d'outre-atlantique.

 

Fiche :

 

 

Hollywood 1927. George Valentin est une vedette du cinéma muet à qui tout sourit. L'arrivée des films parlants va le faire sombrer dans l'oubli. Peppy Miller, jeune figurante, va elle, être propulsée au firmament des stars. Ce film raconte l'histoire de leurs destins croisés, ou comment la célébrité, l'orgueil et l'argent peuvent être autant d'obstacles à leur histoire d'amour.  


 

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